C’est une affaire qui pourrait marquer un tournant dans l’industrie de l’intelligence artificielle (IA)

La justice américaine a statué en faveur du géant des médias Thomson Reuters, déclarant que l’utilisation par une startup de son contenu juridique pour entraîner un modèle d’IA allait à l’encontre des lois sur le droit d’auteur.

LE « FAIR USE »

Tout a commencé en 2020, lorsque Thomas Reuters a déposé plainte contre Ross Intelligence, une société spécialisée dans la recherche juridique. Elle l’accusait alors d’avoir utilisé sans autorisation des contenus protégés par le droit d’auteur issus de sa base de données juridique Westlaw. Plus précisément, Ross aurait exploité les « headnotes » de Westlaw, des résumés rédigés par des éditeurs, pour entraîner son moteur de recherche juridique basé sur l’IA. La startup a approché Thomas Reuters pour obtenir une licence. Mais après un premier refus, elle a décidé de contourner l’obstacle en achetant des mémos juridiques auprès d’une autre entreprise, LegalEase. Ce sont ces documents, contenant des questions et réponses rédigées par des avocats à partir des headnotes de Westlaw, qui ont alimenté son IA. De son côté, Ross Intelligence s’est défendue en invoquant la doctrine dite du « fair use » (usage loyal) dans le droit américain. Celle-ci permet des utilisations limitées de matériel protégé par le droit d’auteur, par exemple pour l’enseignement, la recherche ou la transformation de l’œuvre protégée en quelque chose de différent. Elle s’applique dans des domaines comme l’enseignement ou la recherche. Le juge en charge de l’affaire a donné raison à Thomas Reuters, rejetant l’argument du « fair use ». Croulant sous les dettes, notamment en raison du procès, Ross Intelligence a depuis fermé ses portes.

UN AVERTISSEMENT POUR OPEN AI ET CONSORTS ?

« Nous sommes heureux que le tribunal ait rendu un jugement sommaire en notre faveur et ait conclu que le contenu éditorial de Westlaw, créé et mis à jour par nos avocats rédacteurs, est protégé par le droit d’auteur et ne peut être utilisé sans notre consentement. La copie de notre contenu n’était pas un “usage loyal” », a réagi une porte-parole de Thomas Reuters. Cette décision pourrait changer la donne pour les éditeurs d’IA. Car le « fair use » est également mis en avant par les entreprises comme OpenAI dans leurs propres affaires portant sur le droit d’auteur. Pour rappel, de nombreuses startups d’IA sont ciblées par de telles poursuites juridiques, que ce soit dans les domaines du texte, de l’image ou de la musique. À noter tout de même que cette affaire ne concerne pas un outil d’IA générative. Les jugements portant sur les technologies générant du contenu pourraient ainsi être différents.